L’auteur Christos Chryssopoulos et Michel Briand, professeur de l’Université de Lettres et langues de Poitiers, se sont livrés à une lecture improvisée d’Athènes – Disjonction, l’une des dernières oeuvres de l’écrivain, rythmée des ses propres photographies qui parcourent et illustrent le livre original.
Deux souffles, deux langues qui se rencontrent, un échange entre deux hommes, passé et présent, français lu par un expert de grec ancien, et grec moderne lu par un auteur marqué par le sort contemporain de son pays.
« Quand on parcourt la ville en la photographiant, on prend conscience de quelque chose que seuls ceux qui prennent des photos sont capables de percevoir : elle est criblée de trous noirs. Les endroits où il n’y a absolument rien sont légion. Je ne reviens jamais voir les lieux que j’ai photographiés. L’arbre qui se dresse seul dans la ruelle qui donne sur l’avenue Singrou. Le mannequin dans le terrain vague de la rue Éolou. Le sex -shop ouvert la nuit… Le cliché que j’en ai pris les a effacés. Et je me déplace dans la ville entre ces trous noirs qui sont les photographies que j’ai déjà prises. Et plus je poursuis ma promenade avec mon appareil, plus les trous noirs se multiplient, les passages de l’un à l’autre se font de plus en plus étroits, les endroits intéressants que je pourrais observer se raréfient et petit à petit je taris la ville. Morceau par morceau, je la supprime. Il y a déjà des quartiers entiers et des rues, des bouts de l’horizon qui ne sont plus là. Et plus la ville diminue, plus mon angoisse grandit, quand je reviens dans ces rues de plus en plus difficiles à traverser, de plus en plus indifférentes. Mes photographies représentent la nervosité de l’homme qui respire avec peine et fébrilité le peu d’air qui lui reste. À un moment, j’épuiserai Athènes, elle ne contiendra plus rien pour moi. Je serai alors encerclé par les traces noires rectangulaires de mes photographies. Je pense qu’alors je tournerai l’appareil vers moi. Pour que ma dernière photographie soit un autoportrait. Et que je disparaisse ainsi dans le trou noir de la dernière image.«
Un moment hors du temps, d’écoute et de médiation, au son de deux voix qui se succèdent. Qui nous parlent d’une même écriture, dans deux mélodies différentes, d’un même sujet : l’Athènes d’aujourd’hui, marquée par le passé, le plus lointain, mais aussi le plus proche, la crise.
« Christos Chryssopoulos raconte par l’image l’Athènes d’aujourd’hui, cette ville secrète et blessée qui n’appartient à personne. Il porte sur elle un regard tendre et inquiet et en débusque les failles, s’étonnant encore et toujours, et accompagnant de ses mots la ville en crise. » Athènes – Disjonction, éditions Signes et Balises.