Après la rencontre et discussion avec Elitza Gueorguieva, Camille Cornu, autrice (entre autres) de Habilités Sociales, nous a accordé un petit moment.
Alphéna : Pendant la discussion, vous êtes revenue à plusieurs reprises sur le Manuel d’entrainement aux Habilités Sociales qui vous a servi de base pour votre roman, comment l’avez-vous découvert?
Camille C. : J’étais dans un hôpital de jour et je devais apprendre à utiliser ce manuel pour apprendre à communiquer, c’était une grande découverte littéraire pour moi. Je m’intéresse beaucoup à la façon dont les choses sont écrites, aux différents tons, aux différentes utilisations du langage. Dans ce manuel, on a quelque chose d’hyper formaté, d’hyper solitaire mais qui à la fois était censé apprendre à créer du lien, pour moi c’était une sorte de contradiction hyper poétique. Quand je suis tombée dessus, j’ai tout de suite voulu l’utiliser comme un matériau littéraire. Justement, quand j’étais dans ces séances d’entrainement aux habilités sociales, je prenais toujours des notes, mes psys pensaient que j’étais très impliquée mais en fait je prenais des notes pour un roman que j’allais écrire. J’essayais de fixer ce qu’il se faisait pendant ces séances mais que je n’ai pas forcément remis dans le livre. C’était une façon de commencer à travailler sur le langage, pour créer une opposition entre ce langage hyper formaté et quelque chose de plus subjectif, chaleureux, enfantin.
Alphéna : Vous avez publié deux romans avant d’entre en Master de création littéraire, et ensuite pendant ce Master, Habilités Sociales. Avez-vous senti un changement de perception de la part des éditeurs ou d’autres auteurs?
Camille C. : J’ai totalement changé de réseau, Flammarion c’est totalement différent des petites maisons d’éditions indépendantes dans lesquelles j’étais avant. Ce qui m’a un peu énervée, c’est que les gens ont beaucoup réduit tout ce que j’ai écrit à ce livre en particulier. Pour moi, c’est totalement l’inverse, c’est ce livre (Habilités Sociales) qui est hyper marginal dans tout ce que j’ai écrit, parce que je l’ai écrit dans le master et que c’était une expérience unique d’être au sein de ce master et de voir la façon dont cela pouvait hybrider mon écriture mais du coup, tout le monde a pensé que ce type d’écriture était ce qui me caractérisait le plus alors que j’ai plutôt essayé de me cacher au sein du master en modifiant mon écriture parce que ce n’est pas mon écriture naturelle ce que j’ai fais à ce moment-là. Donc voilà, parce que c’était Flammarion, on ne voit que ça, ça éclipse le reste.
Alphéna : Est-ce que vous pensez que ce master attire plus les grosses maisons d’édition qu’autre chose?
Camille C. : Ca attire toutes les maisons d’édition.
Alphéna : Vous aviez envoyé vos précédents romans a de grosses maisons d’édition?
Camille C. : Non, je cherchais vraiment des choses très précises. Je recherchais qui pouvait publier de la littérature expérimentale ou des textes courts. Je ne suis jamais tombée sur des grosses maisons d’édition. Chez une maison comme Flammarion, je n’avais aucune idée avant ce que pouvait être leur ligne éditoriale, il y a tellement de choses qu’on ne peut pas s’y reconnaître. Maintenant, je connais le fonctionnement à l’intérieur, je sais qu’il y a plusieurs éditeurs et que l’éditrice avec laquelle je travaille est géniale, je sais à quoi elle s’intéresse. De l’extérieur, on ne voit pas du tout ça, c’est difficile de s’approcher de cette structure parce qu’on ne sait pas qui sont les gens derrière.
Alphéna : Pour finir, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce master de création littéraire?
Camille C. : J’écrivais déjà et je savais que j’allais continuer à écrire mais j’étais dans une période un peu charnière, j’étais professeure à l’époque et je détestais ce travail. Je suis tombée là dessus, j’étais encore dans la tranche d’âge pour retourner à l’université, c’était pour approfondir et découvrir de nouvelles pratiques mais ça a été beaucoup plus loin que ce que je pensais. Je me suis retrouvée à créer des performances, de choses que je n’aurai jamais pensé pouvoir faire. Cela n’a pas juste modifié mon écriture, ça m’a ouvert à différents supports de création et au collectif. Ce n’est pas du tout dans mon caractère de travailler avec des gens. En sortant de ce master, on a créé un collectif avec des ami.e.s. Ce qui était très intéressant dans ce master, c’était d’avoir un laboratoire de recherche sur l’écriture, on pouvait tenter plein de choses avec des lecteurs cobayes sur qui on va expérimenter des choses. On a voulu conserver ce concept de « laboratoire de recherche sur l’écriture en créant un collectif pour continuer à expérimenter différentes choses.