En 2014, Fermin Muguruza écrit le roman graphique Black is Beltza avant de le réaliser en film en 2018. Black is Beltza raconte l’histoire de Manex, un basque, qui, tout au long de l’intrigue va faire la rencontre de femmes et d’hommes aux quatre coins de la terre (de Mexico à Montréal en passant par Alger et Cuba) pour lutter pour les droits civiques. Fermin Muguruza aborde ainsi le thème de la Guerre froide, des mouvements de libération des peuples et de la révolution sexuelle des années 60. En effet, on se situe en 1965 à New York et on est dans un contexte de ségrégation raciale très implantée. Manex, rebel et révolté veut changer cela. L’histoire débute par le défilé des géants de Pampelune lors de l’exposition universelle de 1965.
L’adaptation d’une bande dessinée en film d’animation, une fusion des arts au service de l’esthétisme :
Pour son film d’animation Black is Beltza, Fermin Fermin Muguruza voit les choses en grand. En effet, il fait appel à des professionnels du monde de l’audiovisuel. C’est le cas par exemple du dessinateur et coloriste José Homs, publié chez Dupuis et Dargaud, à l’origine de la bande dessinée Shi et de l’univers graphique de Millénium. Parmi les autres artistes, on peut citer Pepe Boada, dessinateur de bd et cinéaste, Mikel Antero, auteur de la bd Lami, et Iñaki Holgado, illustrateur de la série bd Verdun. Ensemble, ils ont su recréer les personnages, les décors et les paysages de la bande dessinée. De leur côté, Mariona Omedes et Karin du Kroo se sont chargées des illustrations que l’on voit apparaître tout au long du film et qui confèrent un aspect réaliste aux évènements. Ainsi, ces artistes sont parvenus à retranscrire l’univers de Fermin Muguruza à l’écran afin de donner vie à Manex et aux autres personnages de la bande dessinée. Néanmoins, le projet de fusion des arts ne s’arrête pas là, puisque Fermin Muguruza donne une importance capitale dans son film à la musique, et notamment au jazz. La bande-son comporte des morceaux des années 1960 mais la musique du film a quant à elle était écrite pour le film Black is Beltza, en collaboration avec différents artistes : Maika Makovski, Anari, Iseo, Yacine, Amel Zen, The Sey Sisters, Ceci Bastida, Ana Tijoux ou encore Manu Chao.
Le médium, c’est le message :
Cette fusion des arts (arts graphiques et arts musicaux) opérée par Fermin Muguruza permet de passer d’un médium à un autre : de la bande dessinée à un film d’animation. Pour quelles raisons l’auteur a-t-il souhaité adapter sa bande dessinée à un autre support ? Quel est le rôle de la transmédialité dans ce contexte-là ? Le passage de la bande dessinée au film d’animation a tout d’abord pour but de reconstruire la structure du récit. En effet, le fil conducteur présent tout au long du film, c’est-à-dire la scène où Manex et son ami sont arrêtés par la Guardia Civil à la frontière, n’apparaît pas dans la bande dessinée. Cette scène, qui introduit les différentes étapes du voyage de Manex, permet ainsi de rendre le récit bien plus clair pour le spectateur et introduit une tension propre au film. Mais l’objectif de cette transmédialité ne s’arrête pas là, et nous allons maintenant nous intéresser au lien qu’entretient Fermin Muguruza avec la musique. Au départ musicien dans un groupe indépendant, Fermin écrit depuis toujours des textes engagés. Pour lui, la musique est un moyen de défendre la culture et de lutter contre toute forme d’oppression. Par ailleurs, la musique permet de choisir le rythme du film d’animation, et de montrer une nouvelle facette des révolutions légèrement différente de celle proposée dans la bande dessinée.
« Ce que je souhaite : instaurer la paix à travers la musique »
Fermin Muguruza
Outre le combat contre l’oppression, la musique est pour l’auteur un moyen de faire communauté, de faire joie. Au début de son voyage, Manex rencontre Rudy, interprété par Angelo Moore, qui lui confie ceci : « si tu ne danses pas, tu es mort ». Ainsi, la musique permet de lutter pour le droit à faire la fête et pour le droit de vivre. Elle vient donc compléter la bande dessinée Black is Beltza et offre au film une toute nouvelle dimension, plus profonde et plus engagée. La transmédialité du projet permet également à Fermin Muguruza de créer une expérience interculturelle générée par le casting du film Black is Beltza. En effet, parmi les voix originales on retrouve Unax Ugalde, qui prête sa voix au protagoniste, Manex, Isaach de Bankoli qui joue Wilson Clever, Iseo qui joue Amanda ou encore Ramon Agirre qui joue Xebero pour en nommer quelques-uns. Ce casting vient donc enrichir la bande dessinée et semble encore un fois redonner vie aux personnages de Black is Beltza, en plus d’apporter une dimension multiculturelle. Dès lors, l’adaptation de la bande dessinée Black is Beltza en film d’animation présente certains avantages : elle permet une meilleure compréhension du projet Black is Beltza et introduit une dimension interculturelle à l’œuvre de Fermin. Le film d’animation remplit alors une fonction pédagogique puisqu’il montre une nouvelle image des combats de l’époque bien loin de celle racontée dans les manuels scolaires classiques.
Marie Jolivet, Nina Guyot et Ilona Riou-Artus