Du lundi 03 au vendredi 07 février 2020, le festival Bruits de Langues proposait toutes les après-midi des rencontres et animations autour du livre.
Nous avons eu le plaisir de recevoir Noémi Lefebvre, écrivaine, musicienne, vidéaste et performeuse. Étant l’invitée d’honneur, elle nous a accompagnés toute la semaine au cours de conférences, projections mais aussi d’ateliers d’écriture qu’elle a animé tous les matins du lundi au jeudi. Ces ateliers ont été suivis par des étudiant.es de Master, en mention Texte/Image, mais également par un public externe à l’Université.
Au cours de ces séances de trois heures, les participant.es ont pu écrire sur différents thèmes, avec des contraintes d’écriture diverses, et ont pu avoir les retours de Noémi Lefebvre et du reste du groupe grâce à des temps de lecture collective.
Nous allons donc vous partager notre ressenti face aux exercices proposés par Noémi Lefebvre et vous présenter une petite sélection de textes produits lors des ateliers.
Les ateliers:
Nous avons sorti crayons et imagination pour répondre aux consignes indiquées par l’artiste. Elles étaient pimentées de difficultés, afin de nous faire réfléchir sur la langue et l’écriture.
Un livre ouvert à la page 27 :
Ici, la consigne de l’écrivaine était de se saisir d’un livre imaginaire, ou non, qu’on ouvrirait à la page 27. Il fallait, de cette page, en écrire les mots.
« Et, il s’arrêta. Le vieil homme toussa une nouvelle fois. Ce que le temps lui semblait long dans ce bâtiment. Il observa par la porte vitrée, bien accroché à cette rampe. Une aide soignante l’aperçut et s’approcha. Elle lui demanda s’il allait bien, l’informa de l’animation en cours avant de s’envoler vers d’autres personnes. L’homme aux milles rides soupira. Il n’avait pas tellement envie de se joindre à l’activité. Mais, il voulait s’occuper. Ce que les minutes ressemblaient à des heures, au sein de ces murs. Il ferma ses yeux, les serrant aussi fort qu’il pouvait. Il se rappelait les champs, son vélo d’adolescent. Il entendait le brouhaha produit par ses camarades. Nouveau soupire. Toujours bien accroché, il ouvrit les yeux avant d’avancer de quelques pas. Il jeta, encore, un coup d’oeil aux fenêtres. Et, cette pensée qui ne cessait de se répéter en lui. »
Athénaïs
Une quatrième de couverture :
Pour saisir l’importance de la quatrième de couverture, et la difficulté de résumer un livre en quelques lignes, l’artiste nous en a fait rédiger une.
TOC
TOC
TOC
« Bonjour, je m’appelle LiLi, J’habite sous la falaise d’à côté. Je me demandais si vous ne voudriez pas vous joindre à nous pour la fête des voisins. »
Emma
Oraison funèbre :
L’écrivaine nous a demandé d’écrire une oraison funèbre. Il fallait la rédiger à partir de détails insolites concernant la personne décédée..
« Martine aimait les céréales. Elle les versait dans un bol avec un trait de lait tous les matins depuis ses dix ans. Mais elle ne les aimait pas trop humides, voyez ? Quand elles sont trop spongieuses, ça non, elle n’aimait pas. Elle disait toujours que le petit déjeuner était le repas le plus important de la journée. C’étaient donc des céréales qu’elle tirait son énergie par exemple toutes ces choses incroyables : la lessive, le repassage, la serpillère… Comme vous le savez Martine était secrétaire d’un cabinet médical. Un travail qui l’a passionnée toute sa vie, son ton acerbe, perfectionné au point de presque pousser les patients à s’excuser de la déranger a été son œuvre la plus notable bien que nous ne pourrions plus nous regarder en face si nous oublions son talent pour écorcher les noms. »
Clémence
« Fabrice était un grand homme dans sa petitesse et sa bassesse. Nous perdons un fils, un père, un frère, un collègue, un homme qui portait des chaussettes à motif, un amant qui les gardait pendant l’amour. Fabrice était un cuisinier hors pair, un maestro capable de faire d’un plat de pate au beurre un plat de pates au beurre. Qui n’a pas connu grace à lui la valeur du silence lors de conversation dénué d’intérêt ? Fabrice était un homme bon et tolérant, capable d’écouter les insultes de ses enfants sans rien dire. Sa grande tolérance allait jusqu’à lui faire dire « pardon » à l’homme sortant du lit de sa femme. Nous ne pouvons que regretter un homme si compréhensif et généreux, toujours prêt à donner son porte monnaie aux premier inconnu cagoulé dans la rue. »
Lou
Promenade collective :
Ici, l’invitée d’honneur nous initiait à l’écriture collective. La consigne était la suivante: nous étions en promenade imaginaire, dans un paysage naturel. Nous devions décrire cette escapade. Et, il nous fallait parler à la première personne du singulier. Le but était de découvrir ce que produisait l’enchaînement des différents textes au cours de leur lecture.
« Est-ce qu’ils ont refait ce sentier ? Ce sentier qui m’est normalement si familier… Ça fait si longtemps que je n’ai pas marché comme ça, sans penser à rien. Tiens des coquelicots, oh des pissenlits. Est-ce que je souffle dedans comme quand j’étais plus jeune ? […] Je suis un idiot. Aïe ! Je l’ai pas volé ce coup de branche. Pourquoi est-ce qu’elles sont si basses ces branches ? On venait souvent ici. Mais maintenant on ne vient plus. Je suis seul. Complètement seul. Oh tiens un écureuil. Coucou l’ami. Mon seul ami. »
Angélique
« Il y a la mer, là, et les cailloux sous mes pieds, qui roulent, roulent comme les roues de mon premier vélo sur le bitume. Le son du frottement encore dans mes oreilles, les larmes de la vitesse dans mes yeux dans la pente menant jusqu’à la poste. Une mouette passe, jacassant. Apprendre les espèces d’oiseaux, les reconnaître à l’oreille, ce n’est pas dans mes cordes, ça n’a pas été enseigné à l’école, ni par mes parents. Pas plus que remplir mes impôts ou poser ma démission d’ailleurs. Quel boulot de merde… Puis le chômage, le loyer, Pôle emploi, est-ce bien prudent ? L’air marin n’apporte aucune réponse, seulement du sel… Le sel… Il faudra en racheter. Pâtes ce soir ? Oui, clairement il faut du sel. Plus rien d’autre à flanquer à la casserole, chaque économie compte. A moins que… pas de démission ? Et les cailloux qui roulent, roulent, s’emportant les uns les autres. »
Clémence
Haïku :
Le Haïku est un genre poétique japonais, suivant la forme de trois courts vers. En s’inspirant de cela, nous devions réaliser un texte contemplatif à la chute insolite.
« Le torrent d’eau s’abat là
Emporte tout dans son tourbillon incessant
Et puis le calme, la machine à laver s’est arrêtée »
Angélique
« Le vent souffle dans les branches de l’arbre
Le tronc grince, les feuilles crissent
Paf ! Sur ma tête une pomme de pin. »
Alexandra
Ces divers exercices ont permis à tout un chacun d’en retirer une expérience personnelle, et de fait, particulière. Nous allons, désormais, nous intéresser à ce que ces ateliers ont pu produire, induire et faire naître en chacun de nous. Pour ce faire, nous avons récolté les avis et les ressentis des participants.
Avis et ressentis:
Qu’ont donc apporté ces ateliers d’écritures? Qu’est-ce que, personnellement, a-t-on pu ressentir? Quels ont été les divers avis? Voilà des questions auxquelles les participants ont accepté de répondre. Nous vous communiquons, à la suite, leur points de vue.
« Je n’ai pas forcément l’habitude d’écrire, pourtant j’ai trouvé qu’il s’agissait d’un exercice intéressant. Il était même original. Pour ce qui est du rythme, c’était dynamique. Et, j’ai trouvé que Noémi Lefebvre avait des remarques enrichissantes, autant par ses retours que ses conseils. J’ai apprécié, aussi, qu’elle ponctue la séance de ses anecdotes d’écriture. Elle était marrante et très honnête. »
Jeanne
« J’ai apprécié l’exercice, que j’ai pensé intéressant et original. De plus, c’était sympathique de voir Noémie Lefebvre dans un cadre moins formel. Pendant les ateliers, elle n’hésitait pas à donner des anecdotes sur son travail d’écrivaine. Elle était aussi franche. J’ai trouvé qu’elle nous laissait toujours libres de faire ce qu’on voulait, et se laissait surprendre par ce qu’on écrivait. Elle n’était pas dans une optique verticale. En effet, elle demandait régulièrement l’avis des participantes. Ca donnait, parfois, des échanges avec des points de vues assez variés. »
Clémence
« Les ateliers étaient particulièrement sympathiques, et ils ont même constitué une belle découverte pour moi. Les sujets proposés par Noémi Lefebvre étaient originaux. Je trouvais que lire ses écrits à voix haute était un peu gênant mais, ça permettait d’avoir le point de vue des autres, leur imaginaire ou leur vision du monde. Et, c’était intéressant de découvrir cela. »
Alexandra
« Pour ma part j’ai beaucoup aimé cet atelier d’écriture, surtout le deuxième jour. Le premier jour je n’avais pas trop saisi où voulait en venir Noémi, j’avais l’impression de ne rien écrire d’intéressant, que les sujets donnés ne permettait pas de développer un texte, etc. Mais avec le deuxième j’ai compris que son processus était avant tout de nous faire réfléchir sur l’écriture même, sur les différents outils du langage etc. Et non pas juste produire un texte à partir d’une thématique. Ca correspond bien au travail général de Noémi et j’ai l’impression d’avoir appris des choses donc je suis globalement satisfaite ! »
Lou
« J’ai beaucoup apprécié cet atelier. Et une phrase de Noémi m’est restée en tête lorsqu’elle disait que pour étudier le littéraire, il fallait nous mêmes le pratiquer et ne pas hésiter à écrire sur n’importe quel sujet et sous n’importe quelle forme. Ce qui m’a vraiment marquée c’était le travail sur la langue : penser à notre manière de dire plutôt que se référer à ce qui est déjà convenu, donc de mon point de vue elle nous a amenés à développer notre propre langage. Et c’était touchant d’entendre, lors des restitutions, les écrits de chacune car on entrait dans des univers complètement différents. C’était intime et bienveillant du coup une très belle expérience ! »
Marie-Lou
Les différent.es participant.es se rejoignent sur leurs appréciations, concernant l’atelier mais aussi la médiatrice de celui-ci. En effet, ils ont particulièrement apprécié la qualité de l’exercice proposé et son originalité. Mais, il.elle.s mettent en avant l’ouverture d’esprit, la capacité à écouter et à partager de l’autrice. Tous et toutes ont été conquis par l’honnêteté de l’artiste et sa proximité avec eux.
Crédits:
Photographies : Emma Rotolo-Vannier, Athénaïs Fiquet.
Photographie 2 : Livre Involontairement cinglée, Camille Gehringer, éditions Vérone, paru en 2018.
Photographie 3 : Illustration d’Emma Rotolo-Vannier.
Photographie 5 : Auteur Natsume Soseki.
Article écrit par Athénais Fiquet et Angélique Mouillard