Pour comprendre ce qui se passe dans le monde qui nous entoure et empoigne, nous commençons toujours par l’observer. Pour l’enregistrer il existe beaucoup de possibilités, prendre des notes, faire des croquis, filmer, se promener avec un microphone allumé comme John Travolta dans Blow out de De Palma. Mais c’est toujours le déchiffrage qui est le plus difficile. C’est ce que nous montrent les quatre auteurs et autrices invité·es du jeudi, s’ils et elles ne nous font pas participer à ce travail. Kathrin Röggla, Lucie Taïeb, Regis Lejonc et Maylis de Kerangal, avec des styles et des sujets très différents, peuvent passer pour quatre déchiffreuses et déchiffreur d’un monde qui se présente à nous ou bien dans une certaine illisibilité ou bien par un déchiffrage nivelé, normalisé et écrasant dans le discours des médias et politiques dominantes. Or « toucher le réel » ne saurait se faire sans perturber, mais rend aussi visible et audibles des aspects insoupçonnés.
Les rencontres se déroulent dans la Salle des Actes (Attention : préinscription nécessaire – ci-dessous à chaque rencontre)et en ligne (diffusion en direct par iMedia : lien ICI)[1]Ne pas être surpris·e·s d’être redirigé·e·s ensuite sur la chaine YouTube de l’université.
Interventions de l’extérieur par Tchat, transmis au plateau. Tous les horaires sont indicatifs, nous tiendrons compte du live et des temps nécessaires de respiration.
Chaque rencontre sera diffusée en direct sur UpTV puis une retransmission sera disponible (les liens sont indiqués au fur et à mesure du programme).
là dehors, le nombre dissimulé fait rage. je vous le dis, oui, il y a un nombre dissimulé en marche, auquel on n’a pas d’accès. on dit sans chercher plus loin : un ménage sur dix ceci ou un ménage sur huit cela. de toute façon c’est déjà un huitième de la population, bientôt un sur 5. mais au fond nous ne savons pas du tout ce qui se passe, ce qui se passe vraiment – je dis juste : le nombre dissimulé ! nous ne savons pas ce qui se passe vraiment dehors, oui, là dehors ! parce que personne ne nous fournit les données exactes. malgré toute leur démoscopie. malgré toute leur culture de sondage, malgré leurs instruments démographiques, segments d’études de marché, frissons biométriques au contrôle d’identité, nous ne savons rien. c-à-d. nous avons des chiffres, des quantités énormes de chiffres en main.
da draußen tobt die dunkelziffer. das sage ich euch, ja, da ist eine dunkelziffer im gang, zu der man keinen zutritt hat. da heißt es schnell mal jeder zehnte haushalt dies oder jeder achte haushalt das. ein achtel der bevölkerung heißt es ohnehin schon, bald jeder 5. aber im grunde wissen wir gar nicht, was los ist, was wirklich los ist – ich sage nur: die dunkelziffer! wir wissen nicht, was draußen wirklich geschieht, ja da draußen! weil uns niemand die korrekten daten gibt. trotz ihrer ganzen demoskopie. trotz ihrer ganzen befragungskultur, trotz ihrer demoskopischen instrumente, marktforschungssegmente, den bielmetrischen zitterpartien, wissen wir nichts. d.h. wir haben zahlen, Unmengen von zahlen in der hand.
Kathrin Röggla, draußen tobt die dunkelziffer, Fischer 2005. (bilingue en 2007 : dehors peste le chiffre noir, presses universitaires du Mirail. (trad. modifiée)
À l’instant même où je referme le roman de DeLillo, je fais mienne cette aspiration: « Comprendre tout ça. Pénétrer ce secret. » La décharge ne m’a plus quittée, occupant mon esprit comme seul peut le faire ce qui suscite en nous – serait-ce inexplicable – un sentiment d’amour. Les déchets me sont apparus comme un continent immense, tentaculaire et jusque-là invisible, qu’il me fallait conquérir, pas à pas, livre après livre. Au sous-sol de la Bibliothèque nationale, je constitue la bibliographie qui devra me permettre de cerner cette réalité protéiforme, si lointaine, si étrangère, et qui cependant me touche intimement.
Lucie Taïeb, Freshkills, 2020.
14:00-15:30 : Kathrin Röggla (en ligne) en dialogue avec Lucie Taïeb
Animation et modération : Martin Rass et Leopold von Verschuer (à Cologne).
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Ce jeune africain rêve de goûter au sirop de Paris-Paradis. Mais Saka-Mama, sa mère, cherche les mots pour le dissuader de suivre le chemin des mirages. En vain.
à propos de Regis Lejonc, Paris-Paradis, Ricochet, 2011.
Même Oumar le vieux griot essaie de le retenir, et fort de sa grande sagesse, lui rappelle que le mensonge donne de très jolies fleurs mais pas de fruit. Pourtant la fascination est trop grande et Moussa quittera le village pour tenter sa chance dans ce pays lointain, avec dans les yeux tous les soleils de l’Afrique…
15:30-16:30 : Rencontre avec Régis Lejonc
Animation et modération : Tangui Le Bolloc’h et les étudiant.es de L2 du parcours LEMM.
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Ce qui se tient là, dans cette rue de Bruxelles au bas du quartier Saint-Gilles, rue quelconque, rue insignifiante, rue reprisée comme un vieux bas de laine, est une maison de conte : cramoisie, vénérable, à la fois fantastique et repliée. Et déjà, pense Paula qui a mal aux cervicales à force de renverser la tête en arrière, déjà c’est une maison de peinture, une maison dont la façade semble avoir été prélevée dans le tableau d’un maître flamand : brique bourgeoise, pignons à gradins, riches ferrures aux fenêtres, porte monumentale, judas grillagé, et puis cette glycine qui ceint l’édifice telle une parure de hanches. Alors, exactement comme si elle entrait dans un conte, exactement comme si elle était elle-même un personnage de conte, Paula tire la chevillette, la cloche émet un tintement fêlé, la porte s’ouvre, et la jeune fille pénètre dans l’Institut de peinture ; elle disparaît dans le décor.
Maylis de Kerangal, Un monde à portée de main, Verticales, 2018.
Extrait de: Maylis de Kerangal. « Un monde à portée de main. » iBooks.
16:30-17:30 : Rencontre avec Maylis de Kerangal
Animation et modération : Laura Berrié, Alice Armenio-Coïc et Hugo Sémilly.
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References
↑1 | Ne pas être surpris·e·s d’être redirigé·e·s ensuite sur la chaine YouTube de l’université |
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